Méthodes DOM

Méthodes DOM

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Les écosystèmes aquatiques dans les territoires ultramarins français sont particuliers par leur caractéristiques tropicales, leur fonctionnement hydrologique, la biogéographie bien spécifique de la faune et de la flore qui les peuplent, souvent marquée d’endémisme. Les méthodes de bioindication utilisées en métropole dans le cadre de l’évaluation de l’état écologique ne sont donc généralement pas applicables pour l’évaluation de ces milieux originaux.

Un séminaire organisé par l’OFB en mars 2014 a permis de faire un bilan d’étape des avancées réalisées concernant la bioindication dans les DOM, ainsi que du chemin restant à parcourir pour y permettre une application adéquate de la DCE. La synthèse de ces rencontres a été publiée en mars 2014. A ce stade, peu de méthodes hydrobiologiques avaient encore été développées dans les DOM, et a majorité des protocoles techniques d’acquisition et des indices biologiques manquants étaient encore en cours de développement.

Dans ce contexte de déficit de connaissance locale et de manque d’outils hydrobiologiques applicables dans ces contextes si spécifiques, en relation avec les services centraux et locaux du Ministère en charge de l’Ecologie, l’OFB et les Offices de l’Eau des DOM, INRAE a participé activement à la réalisation de plusieurs missions d’expertise et/ou de programmes de recherche-transfert. L’objectif principal de ces différentes réalisations était d’étudier le contexte local et la faisabilité a priori de telles démarches, puis de mettre en place chaque fois que possible de nouveaux bio-indicateurs bien adaptés au contexte faunistique ou floristique de ces zones ultramarines, condition nécessaire pour la mise en œuvre d’une évaluation DCE-compatible des hydrosystèmes des DOM.

Phytobenthos cours d'eau

Pour l’élément Diatomées, des programmes visant à la mise au point de méthodes de bioindication adaptées au contexte local des DOM ont été initiés depuis une bonne douzaine d’années, puis menés à bien par l’INRAE, en partenariat avec des bureaux d’étude et avec les représentants institutionnels locaux (Offices de l’Eau, DEALs).

Les programmes de développement de nouvelles méthodes indicielles se sont le plus souvent mis en place sous la responsabilité opérationnelle principale des Offices de l’Eau, avec des appuis financiers diversifiés dont ceux de l’OFB. En vue de générer les référentiels locaux nécessaires, des stratégies régulières d’acquisition couplée de données abiotiques et d’échantillonnages diatomiques sur des réseaux de stations de cours d’eau ont été lancées à la Réunion depuis 2008, et aux Antilles depuis 2009. Depuis, ces suivis de réseaux ont été pérennisés et sont désormais réalisés en routine. Les flores diatomiques locales, fortement méconnues jusqu’alors, ont ainsi pu être décrites et ont donné lieu à l’édition de guides ou d’atlas taxinomiques. La mise en relation des analyses physico-chimiques et des cortèges floristiques a d’une part permis de repérer les différents types d’assemblages diatomiques en fonction des conditions naturelles locales (trame biogéographique naturelle), connaissances qui ont ensuite été mobilisées pour établir des dispositifs d’évaluation de l’état écologique par comparaison des sites à évaluer aux conditions de référence les plus adéquates (cf. DCE). D’autre part, l’analyse des relations entre paramètres chimiques représentatifs des pressions-anthropiques et impact sur les flores a servi de base à la mise au point, par un consortium partenarial Bureau d’Etudes ASCONIT – Irstea, de 2 nouveaux indices diatomiques adaptés aux cours d’eau des DROM, désormais appliqués en routine dans le cadre des réseaux de surveillance :

  • l’IDR (Indice Diatomique pour les cours d’eau de la Réunion) assorti de classes d’état adaptées.
  • l’IDA (Indice Diatomique pour les cours d’eau des Antilles), indice commun à la Guadeloupe et à la Martinique, assorti de classes d’état adaptées.

Sur les cours d’eau de Guyane, des collectes de biofilm diatomique sont réalisées régulièrement depuis 2007 dans le cadre des réseaux de surveillance. Cependant, en fonction du contexte pluviométrique local, les campagnes de prélèvement ont lieu une fois par an seulement (lors de la grande saison sèche) et les gradients de pollution couverts par le seul RCS étaient trop limités pour permettre le développement d’un nouvel indice Guyane.

En raison de ces jeux de données locaux encore insuffisants, un dispositif provisoire d’évaluation basé sur un indice diatomique généraliste pré-existant, l’IPS (Indice de Polluosensibilité Spécifique) adapté Guyane, a été mis en place en 2015 et y est actuellement utilisé en routine. Cet indice, qui se base sur des profils de qualité des espèces déterminés à l’échelle mondiale, présente un certain déficit d’adéquation biogéographique vis-à-vis du contexte local. Ses résultats étant corrects mais sensiblement perfectibles, ce dispositif transitoire sera utilisé en principe jusqu’à la fin de l’actuel PGME (jonction 2021-2022).

Grâce à des stratégies complémentaires d’acquisition de données progressivement mises en place par l’Office de l’Eau Guyane et d’autres intervenants locaux, notamment sur des sites spécifiquement choisis en fonction des fortes pollutions présentes (divers réseaux complémentaires, à partir de 2015), ainsi que sur des flores de référence encore méconnues (programme Petites Masses d’Eau 2010-2015), le nombre d’inventaires, leur représentativité spatiale et la largeur des gradients de pollution couverts se sont nettement améliorés par rapport à l’acquis disponible en 2013-2014. Un nouveau programme de Recherche-Développement, sur financements OEG-OFB a donc été réalisé en 2018-2019 par un consortium Hydreco Guyane – INRAE, qui a débouché sur la mise au point partenariale d’un nouvel indice diatomique adapté au contexte biogéographique spécifique de Guyane (l’IDGF ou Indice Diatomique de Guyane Française).

Ce nouvel indice est actuellement en cours de validation-officialisation, et fait l’objet de diverses réalisations destinées à accompagner son transfert opérationnel, qui devrait être effectif à la jonction 2021-2022.

Le protocole général d’acquisition de données diatomiques mis en œuvre au niveau des DOM est très comparable à celui appliqué en métropole. La nouvelle version de la norme NF T90-354 révisée 2016 intègre les prescriptions relatives à l’échantillonnage et au traitement en laboratoire, et sa portée a été étendue aux cours d’eau des DOM-COM, moyennant l’inclusion de quelques spécificités. Au bilan, l’échantillonnage dans les cours d’eau de ces territoires tropicaux se rattache au même référentiel technique que celui préconisé pour la surveillance des rivières métropolitaines.

L’évaluation à partir de l’IDR (Réunion), de l’IDA (Guadeloupe, Martinique) et de l’IPS adapté pour la Guyane fait l’objet d’une prescription  règlementaire officielle pour la surveillance des cours d’eau de ces départements pour le 2ème cycle DCE (depuis l’édition des Arrêtés « Surveillance » du 7 août 2015 et « Evaluation » du 27 Juillet 2015). Les descriptifs de ces nouveaux dispositifs figurent dans des rapports finaux INRAE, et différents documents et produits utiles accompagnent leur transfert opérationnel auprès des utilisateurs.

En particulier, des utilitaires de calcul (sous environnement R) pour le calcul de l’Indice diatomique Réunion (IDR) et de l’indice diatomique Antilles (IDA) ont été conçus par INRAE, Ils sont mis à disposition ci-dessous, ainsi que leur notice-utilisateur.

A noter que ces nouveaux indices bénéficient désormais d’un module de calcul spécifique dans le SEEE, outil national officiel de calcul à utiliser pour le rapportage européen d’état écologique.

Fichiers en téléchargement : cliquer ici

Deux nouveaux indicateurs diatomiques ont été développés ces dernières années pour des DOM (optique : application future de la DCE), et un troisième a été développé pour la Nouvelle-Calédonie (COM), ou la DCE n’a pas force d’application.

S’ils n’ont pas encore, à ce jour, le statut d’outils officiels, les deux nouveaux outils DOM sont actuellement dans un processus de validation et  et de préparation du transfert opérationnel, dans l’optique  du 3ème cycle DCE. Ces indicateurs concernent la Guyane et Mayotte.

Guyane : L’ Indice Diatomique pour les cours d’eau de Guyane (IDGF) (voir plus haut).

Il est possible de télécharger au lien ci-dessous :

Mayotte : C’est une équipe INRAE (UMR CARRTEL – Thonon-lès-Bains) qui est en charge du développement d’indicateurs « Diatomées ». Il a récemment été mis au point une méthode classique basée sur la détermination taxonomique, qui va prochainement faire l’objet d’un transfert opérationnel et d’une officialisation dans le cadre de la mise à jour des règles d’évaluation. Une autre approche basée sur une méthode de détermination  innovante (barcoding) est encore en cours de mise au point pour ce DOM, sur la base des travaux réalisés en métropole pour cet EQB, ainsi qu’une étude basée sur les liens entre phylogénie et polluo-sensibilité.

Nouvelle-Calédonie : Ce territoire représente un exemple un peu particulier de territoire ultramarin. En effet, elle a le statut de Collectivité Territoriale sui generis, territoire sur lequel la DCE n’a pas force d’application. Cependant, ce territoire îlien isolé est doté de cortèges d’espèces tout-à-fait originaux et constitue même un record mondial d’endémisme. Que ce soit sur son domaine terrestre, sur l’hydrosystème de surface ou sur le système littoral (lagons), son patrimoine naturel, remarquable et unique, nécessite des précautions particulières pour en garantir la préservation à moyen-long terme. Dans le même temps, cet archipel fait l’objet d’implantations et d’activités humaines génératrices de pollutions qu’il convient de maîtriser ; l’île la plus exposée étant la Grande-Terre. En particulier, l’activité d’extraction et de transformation minière génère des flux terrigènes (latérites) et de métaux lourds dissous (nickel, qui fait l’objet d’une forte exploitation sur place, et chrome), à fort potentiel toxique. D’autres sujets de préoccupation locale sont la présence de pollutions urbaines et péri-urbaines liées aux plus grosses agglomérations (dont Nouméa, qui dépasse 100 000 habitants) et leurs pollutions domestiques et de STEPs, celles liées au secteur de la construction et du bâtiment, au secteur du tourisme, aux activités agricoles etc…

Les instances locales ont donc décidé de mettre en œuvre un dispositif de suivi des hydrosystèmes basé sur des analyses de la qualité des eaux et sur plusieurs indicateurs biologiques, afin de se rapprocher du type de suivi effectué, en application de la DCE, dans le cadre national. Deux indices basés sur les macro-invertébrés benthiques ayant déjà été développés au cours des années passées (l’IBNC ou Indice Biotique de Nouvelle-Calédonie, et l’IBS ou indice biosédimentaire, des intervenants locaux ŒIL, DAVAR, CNRT…) ont soutenu la mise en place d’un programme de développement d’un nouvel indice diatomique, mené en collaboration entre Asconit et INRAE. Initié fin 2012, ce programme démarrant par les acquisitions de données de terrain nécessaires s’est achevé fin 2017 par la formulation finale de l’IDNC (indice Diatomique de Nouvelle-Calédonie). D’autres réalisations (guide méthodologique, guide taxonomique) sont venues appuyer le transfert opérationnel de ce nouvel indice, qui fait désormais l’objet d’un début d’application en routine.

Macrophytes cours d'eau

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L’évaluation de l’état biologique des cours d’eau dans les DOM à partir des macrophytes en rivière a fait l’objet en 2012 et 2013 de missions de définition de faisabilité. Il s’est avéré que l’utilisation de cet élément biologique dans ces territoires pose deux questions :

  • La flore est bien entendu potentiellement différente de celle rencontrée en métropole, sur laquelle a été basée l’élaboration des systèmes qui sont désormais utilisés (IBMR en particulier). Il serait donc nécessaire d’entreprendre d’abord un travail d’inventaire, en particulier pour des écosystèmes ou la flore aquatique est encore très mal connue (Guyane), puis de définition des affinités environnementales des espèces rencontrées pour développer un indicateur ou adapter celui utilisé en métropole.
  • La grande majorité des cours d’eau présents dans les DOM, en particulier aux Antilles et à la Réunion, mais également à Mayotte, correspondent à des types à très forte énergie, proche de torrents de montagne, souvent intermittents. Dans ces cours d’eau, la flore macrophytique aquatique est très peu représentée voire totalement absente, car sous très forte contrainte hydrologique et mécanique, les substrats étant grossiers mais très mobiles. D’autre part, la nature lithologique de ces zones (formations volcaniques ou bouclier granitique) conditionne des milieux aquatiques très oligotrophes, dans lesquels la production primaire, donc la biomasse végétale, est très faible voire nulle sous forme macrophytique.

Au vu de la très faible diversité floristique de ces milieux et même de l’absence de peuplements susceptibles de service de base à l'évaluation d'un niveau d’impact anthropique, ce compartiment écologique ne fait pour le moment pas l’objet du développement d’indicateurs.

Poissons en eaux de transition

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Concernant la bioindication sur les poissons en eaux de transition dans les DOM, un groupe de travail piloté par INRAE a été mis en place en 2013. Des travaux préliminaires ont été menés sur les poissons dans les estuaires de Guyane et une stratégie d’échantillonnage pour le suivi des estuaires a été développée afin de servir à la fois au contrôle de surveillance et au développement de l’indicateur poisson en estuaire. Des campagnes d’acquisition de données ont eu lieu à partir d’octobre 2015.

Dans certains départements, des indicateurs pour les zones aval des cours d’eau sont développés sur les macro-crustacés, pour compenser l’impossibilité d’utiliser les peuplements pisciaires en tant qu’indicateurs. En effet, dans nombre de ces hydrosystèmes insulaires, les communautés de poissons ne sont constitués que d'espèces amphidromes, sans peuplement résident des eaux douces. Ces communautés de transition ne peuvent donc pas être utilisées pour traduire un état en lien avec les pressions anthropiques locales.

Invertébrés cours d'eau

Concernant les invertébrés  en cours d’eau, des indices ont été développés et d’autres sont en cours de développement. Le protocole d’acquisition de données est comparable à celui utilisé en métropole, des adaptations peuvent néanmoins être nécessaires compte-tenu des spécificités de l’environnement étudié.

  • A la Réunion, un nouvel indice multimétrique a été élaboré par le CNRS et l’ARDA, l’Indice Réunion Macro-invertébrés (IRM).
  • Aux Antilles, un indice a été finalisé par Asconit et l’université de Toulouse : l’IBMA (Indice Biologique Macroinvertébrés des Antilles), suite aux travaux menés dans le cadre de deux thèses.
  • En Guyane, un indice multimétrique a été développé pour les petits cours d’eau par Hydreco et l’université de Toulouse.
  • A Mayotte, les premiers travaux ont permis un inventaire des taxons (Ethyc’O – Tahiti). Des méthodes génomiques (inventaire par métabarcoding) ont également expérimentées en partenariat avec l’INRAE.

Phytoplancton cours d'eau

Pour le phytoplancton, un indicateur pourrait être développé en très grands cours d’eau. Toutefois, ce type de cours d’eau est absent dans les DOM insulaires. Seul le réseau de fleuves guyanais pourrait faire l'objet d'une telle approche, sous réserve que les populations phytoplanctoniques soient suffisamment développées et représentatives des pressions anthropiques, dans ces systèmes très oligotrophes. Il conviendrait donc d'initier des inventaires taxinomiques sur ce compartiment écologique qui n'a pas fait l'objet jusqu'à présent de travaux significatifs dans les fleuves guyanais.

Eléments biologiques en plans d'eau

En ce qui concerne tous les éléments biologiques en plans d’eau, l’expertise se limite pour l’instant principalement à l’acquisition de données préliminaires. En effet, les plans d’eau sont très peu nombreux dans ces départements, limités à quelques réservoirs utilisés pour l’irrigation, la production d’eau potable ou l’hydroélectricité (barrage de Petit-Saut en Guyane, principalement), ou à des lagunes mésohalines ou petits plans d’eau de zones humides (Réunion). Une approche "large échelle" basée sur des indicateurs biologiques ne peut donc pas être être mise œuvre. L'évaluation de l'état écologique, si elle s'avère pertinente au regard des prescriptions de la DCE, devrait donc être envisagée au cas par cas sur la base d'études locales et d'expertise.

Contact

Consultez le site de l’OFB pour toutes les informations disponibles sur la mise en œuvre des méthodes biologiques d’évaluation de l’état des eaux en outre-mer.

Voir aussi

Date de modification : 31 janvier 2024 | Date de création : 03 juillet 2023 | Rédaction : Christian CHAUVIN