Poissons

Poissons

L’indice poisson rivière (normalisé) IPR présentait certaines limites qui ont amené à le réviser et à proposer un nouvel indicateur qui soit totalement conforme aux recommandations de la DCE.

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Le développement de ce nouveau bioindicateur poissons pour les cours d’eau français (IPR+) a basiquement recours à la même méthode. Mais il bénéficie des améliorations méthodologiques acquises à l’occasion de projets de recherche européen successifs (FAME, 5e PCRD et EFI+, 6e PCRD).

Parmi les principales motivations pour cette évolution, on peut citer les points suivants :

  • La construction des modèles et la sélection des métriques de l’IPR se sont basées sur un jeu de sites pour lesquels les critères de sélection (absence de perturbation pour les sites de référence, évaluation de l’intensité des pressions sur les autres sites) n’ont pas été formalisés. Les jeux de données ont été définis essentiellement sur la base de dire d’experts régionaux sans pouvoir s’assurer de l’homogénéité des critères de sélection au niveau national ;
  • Certains des descripteurs utilisés dans la modélisation des conditions de référence sont fortement influencés par les aménagements (par exemple la largeur et la profondeur du cours d’eau) ;
  • L’IPR ne comprenait pas de métriques basées sur des classes d’âge et de taille, condition imposée par la DCE ;
  • La sensibilité de l’IPR est faible dans les cours d’eau à faible diversité (zone à truite) ;
  • L’IPR était assez peu sensible à certaines pressions (hydrologie, qualité d’eau) ;
  • L’IPR variait de zéro à l’infini (dans la pratique de zéro à un peu plus de 100), ce qui le rendait peu compatible avec une expression en EQR, condition imposée par la DCE ;
  • L’expérience a montré qu’il était très sensible à l’effort d’échantillonnage (notamment le nombre de poissons capturés), ceci entraînant une forte variabilité temporelle indépendamment de toute variation réelle de l’état écologique.
 

Le nouvel indicateur IPR+ a été construit en cherchant à solutionner les points négatifs cités précédemment et en capitalisant sur les avancées effectuées à l’occasion des deux programmes européens FAMe et EFI+ (Pont et al. 2006 ; Pont et al. 2007).

Les points de progrès les plus importants à l’occasion de cette révision sont les suivants :

  • L’IPR+ a été calibré à partir d’un très important jeu de données couvrant tout le territoire national (environ 2000 sites). Pour chacun des sites, les différentes pressions sont évaluées en qualité et en intensité sous forme de classes d’intensité. La grille d’évaluation est unique pour toute la France. Les sites de références sont sélectionnés sur la base de critères issus de cette grille d’évaluation des pressions. Cette approche est conforme avec une approche des conditions de référence comme celle des perturbations minimales (« Minimally Disturbed Conditions » : état existant peu ou pas perturbés sur la base de critères explicites).
  • L’IPR+ ne se compose que de métriques fonctionnelles (hormis la métrique « truite »). Ces métriques prennent en compte la totalité des espèces présentes et non pas une liste limitative de 36 espèces comme l’IPR. Il est composé de métriques basées sur les richesses et sur les abondances.
  • Les descripteurs utilisés pour modéliser les conditions de référence sont peu ou pas sensibles aux modifications locales de l’hydro-morphologie du cours d’eau : prise en compte d’un run-off au lieu du débit réel, recours à la taille du bassin versant drainé au lieu de la largeur de la section…
  • Les descripteurs incluent une définition des conditions climatiques (températures de l’air) durant les dix ans précédant la date de l’échantillonnage. Ceci permet potentiellement de prendre en compte une dérive des conditions de référence due au réchauffement atmosphérique.
  • Les espèces sous-représentées dans l’échantillon ne sont pas retenues afin de réduire des variations de l’indicateur liées à une insuffisance de l’échantillonnage pour approcher de façon systématique la richesse totale de la station considérée.
  • L’IPR+ a recours à des méthodes de modélisation permettant d’atténuer l’influence de l‘effort d’échantillonnage en particulier pour les métriques basées sur les abondances (« offset »).
  • Une métrique basée sur la classe d’âge 0+ de truite est intégrée dans l’indicateur.
  • Les écarts entre les valeurs prédites et observées des métriques sont traités en valeur absolue afin de tenir compte du fait que selon le type de perturbation, une même métrique peut tendre à s’accroître ou à diminuer et donc à être supérieur ou inférieur à la valeur prédite en l’absence de perturbation. Un total de 228 métriques fonctionnelles candidates ont été testées. Elles étaient basées sur 67 espèces et 37 traits bio-écologiques.
  • Après une pré-sélection des métriques sur des critères de qualité des modèles et de corrélation entre métriques, la sélection finale a été effectuée en analysant la sensibilité des métriques aux différents types de perturbations (hydrologiques, morphologiques, qualité d’eau).
  • L’IPR+ est exprimé en EQR, en conformité avec la DCE. Il varie de 0 à 1 et la médiane des valeurs des sites de référence est de 0.8.
 

L’indicateur IPR+ final est composé de dix métriques fonctionnelles auxquelles s’ajoute une métrique basé sur la classe d’âge 0+ de truite dans les zones de Huet à truite et à ombre (voir § 2.3.3 pour plus de détails) :

  • abondance « relative » (offset) des juvéniles de truites (zones à truite et ombre) ;
  • abondance « relative » (offset) des espèces oxyphiles ;
  • abondance « relative » (offset) des espèces habitat intolérantes ;
  • abondance « relative » (offset) des espèces à habitat de reproduction lotique ;
  • richesse absolue des espèces à tolérance générale ;
  • richesse absolue des espèces sténothermes ;
  • richesse absolue des espèces à habitat de reproduction lentique ;
  • richesse absolue des espèces omnivores ;
  • richesse « relative » (offset) des espèces à intolérance générale ;
  • richesse « relative » (offset) des espèces oxyphiles ;
  • richesse « relative » (offset) des espèces limnophiles.
 

Les dix métriques fonctionnelles se basent sur les traits biologiques et écologiques suivants.

TraitCode traitModalitéCode mod.Description
Tolérance à la qualité générale de l’eauEauGeneraltolérantTOLEn général, le poisson est tolérant à la qualité d’eau
Tolérance à la qualité générale de l’eauEauGeneralintolérantINTOLEn général, le poisson est intolérant à la qualité d’eau
Tolérance à la concentration en dioxygèneEauO2intolérantO2INTOLLe poisson est intolérant aux basses concentrations en O2 (6 mg/l ou moins)
Tolérance à la températureEauTempstenothermeSTTHERLe poisson est capable de résister à une gamme étroite de températures
Tolérance à la dégradation de l’habitatHabGlobintolérantHINTOLLe poisson est intolérant à la dégradation de l’habitat
Degré de rhéophilie (habitat)HabRheolimnophilLIMNOLe poisson préfère vivre, se nourrir et se reproduire dans un habitat à écoulement lent voir dans des conditions stagnantes
Régime alimentaireTrophomnivoreOMNILe régime alimentaire de l’adulte se compose de plus de 25 % de végétaux et plus de 25 % d’animaux. Régime alimentaire généraliste
Lieu de ponte préférentielHabReprorhéopareRHPARLe poisson pond préférentiellement dans les eaux courantes
Lieu de ponte préférentielHabReprolimnopareLIPARLa ponte est préférentiellement effectuée dans des eaux stagnantes

Enfin, une nouveauté importante de l’indicateur est d’associer :

  • à la valeur de l’indicateur une incertitude sous forme d’un écart-type ;
  • à la classe de qualité attribuée au site testé une probabilité pour l’indicateur d’appartenir aux cinq classes de qualité.

Afin de pouvoir calculer une incertitude autour des métriques prédites en l’absence de perturbation, les modèles permettant de calculer ces valeurs ont été implémentées dans un cadre bayesien. De ce fait, on dispose non pas d’une seule valeur estimée des paramètres des modèles mais d’une distribution de 10 000 itérations de chacun de ces paramètres (densité de probabilité). Il est alors possible d’obtenir, pour chaque évaluation, de 10 000 estimations des valeurs des métriques et l’indicateur final. Les résultats sont dans les deux cas les moyennes de ces distributions.

Cette incertitude correspond à une estimation de l’incertitude sur l’état de référence (métrique prédite). Elle doit être complétée par l’incertitude liée à l’opération d’échantillonnage (métrique observée).

Bibliographie récente :

  • L’indicateur IPR+ a fait l’objet de publications portant tant sur le développement que les principes et les tests de son efficacité. La méthode elle-même est décrite dans Marzin et al. (2014).
  • Logez M, Pont D. & M.T. Ferreira (2010). Do Iberian and European fish faunas exhibit convergent functional structure along environnemental gradients? Journal of the North American Bentological Society. 29(4):1310–1323.
  • Logez M. & D. Pont (2013). Global warming and potential shift in reference conditions: the case of functional fish based metrics. Hydrobiologia 704:417-436. doi: 10.1007/s10750-012-1250
  • Logez M. et D. Pont (2011). Variation of brown trout (Salmo trutta fario, L.) young of the year growth along environmental gradients, in Europe. Journal of Fish Biology 78: 1269-1276.
  • Logez M. et Pont D. (2011). Development of metrics based on fish body size and species traits to assess European coldwater streams. Ecological Indicators 11: 1204-1215.
  • Logez M., P Bady, A. Melcher & D. Pont (2013). A continental-scale analysis of fish assemblage functional structure in European rivers. Ecography 36(1): 80-91.
  • Marzin A., Archaimbault V., Belliard J., Chauvin C., Delmas F. & D. Pont (2012). Ecological assessment of running waters: do macrophytes, macroinvertebrates, diatoms and fish show similar responses to human pressures? Ecological Indicators. 23: 56-65.
  • Marzin A., O. Delaigue, M. Logez & D. Pont (2014). Uncertainty associated with river health assessment in a varying environment: the case of a predictive fish-based index in France. Ecological Indicators, 195–204.
  • Marzin A., P. Verdonschot & D. Pont (2013). The relative influence of catchment, riparian corridor and local anthropogenic pressures on fish and macroinvertebrate communities in French rivers. Hydrobiologia 704. 375-388.

Voir aussi

Site web du programme EFI Plus : http://efi-plus.boku.ac.at/

Contact : Didier Pont, Jérôme Belliard (INRAE Antony)

Date de modification : 26 juillet 2023 | Date de création : 05 juillet 2023 | Rédaction : Chrisitian CHAUVIN